La cosmétique de Hervé Georges IC
par Stéphanie Katz
Extrait de « la résistance de l’écran », paru dans « les interdits de l’image », 2e colloque ICÔNE-IMAGE, aux éditions Obsidiane – Les trois P, juillet 2005
Prenant acte de ce nouveau réservoir à visibilités anonymes qu’est le réseau Internet, Hervé Georges IC revisite la tradition picturale du portrait à travers ces nouveaux états de l’identification. Au-delà de tout projet psychologique, la figure cède sa place à une face anonyme qui est traitée par l’artiste comme le paradigme de l’image-écran. En choisissant de prélever ces visages sur des sites de raveurs, l’artiste entre en dialogue avec un contexte qui confond volontairement identité et parure.
L’univers festif des modèles numériques de Ic est tout entier régi selon une logique de codes, de recouvrements, de strates et d’étiquettes. Redoublant cette logique de la surface signifiante, H.G.Ic opère un travail plastique décoratif qui vise à stratifier l’image. Celle-ci devient révélatrice de la réflexion qu’il mène autour des paradoxes d’une surface profonde de l’image, ou d’une profondeur artificielle des comportements. Comme une porte ouverte sur la rencontre multiple, gratuite et informelle, le réseau permet d’observer l’Autre depuis sa chambre. Ici, l’étrangeté de l’Autre n’est accessible qu’à travers le truchement des artifices de surface : maquillage, masque, gestuelle, particularité vestimentaire. Progressivement, des visages aux jeux de lumière, des mouvements du corps aux grimaces, tout peut-être traité comme la matière écran d’une rencontre impossible. Le monde entier devient textures, calques, et transparences stratifiées. Si bien que davantage qu’une esthétique, c’est une véritable cosmétique visuelle que l’œuvre met en place, travaillant à rendre légèrement perceptible la part monstrueuse du masque, la plaie qui couve sous tous les fards, la désunion qui nourrit tout les carnavals collectifs. Une fragile loucherie ici, quelques problèmes cutanées là, une cicatrice dissimulée ailleurs et c’est toute la profondeur de l’artifice qui remonte violemment à la surface de l’image comme autant de lames de douleurs plaquées à la vitrine du portrait.
Pris dans un réseau plat de luminescence, de fragmentations florales, et de ligne de fuites, ces raveurs anonymes flottent comme des apparitions au dessus de leurs identités. Ce faisant, Ic élabore une cosmétique à la fois plate et profonde de l’image, un art essentiel du superficiel. Une oeuvre qui s »inspire de la vacuité désincarnée du numérique et du nomadisme déraciné du réseau.
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Les interdits de l’image
2e colloque international icône-image, Musées d’Auxerre – Musées de Sens, juillet 2005
auteurs : Emmanuel Souchier, Maurice Gruau, Jean Wirth, Terryl Kinider, Jérôme Cottin, Jean-Paul Desaive, Baptiste-Marrey, Patrick Beurard-Valdoye, Pierre Fresnault-Déruelle, Sylvie Laval, Stéphanie Katz, Frédéric Lambert, Nathalie Roelens, Pascal Dibie, Bernard Lecomte, Guy Cavagnac, Yves Jeanneret
édition : Obsidiane-Les Trois P, 17 x23 cm, 159 pages brochées, ISBN 2-911914-92-9, EAN 9782911914928