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Figures&Co. chapitre 11
Christine Buci-Glucksmann, extraits
Un documentaire de Joel Cano. 11 peintres de la collection Pierre Pradié
Scénario : Joel CANO et Pierre Pradié, 2006 – 60’ – dvd MyFilms

Je m’intéresse à la nouvelle génération de jeunes artistes qui ont compris les transformations de l’art, à l’époque du virtuel, à l’époque d’Internet, à l’époque des lumières artificielles, à l’époque des superpositions de transparences.

J’ai rencontré Hervé et j’ai fait un texte sur la traversée des apparences ou des transparences, parce qu’il m’a semblé qu’il reprenait à la fois l’héritage des transparences de Picabia ou de Polke, c’est-à-dire qu’il traitait la toile comme un écran. Cette puissance « écranique » a prit différentes formes dans son travail. D’abord il a repris des motifs baroques et reprenant des motifs baroques, il a créé des images hybrides transparentes, des images composites, où on peut voir soit des fleurs, il y a tout un floral, soit on peut voir des batailles navales en superposition, c’est-à-dire un monde à la fois angélique et guerrier.

Et donc, à travers quelque chose qui me tient à cœur, c’est-à-dire ce que j’appelle le décoratif, au sens de Matisse, au sens du baroque et peut être même du maniérisme, il a réinscrit ça dans ce que j’appelle donc cet art, à l’époque du virtuel.

(…)

On pourrait donc parler là, d’un néo-baroque en quelque sorte contemporain et un peu technologique.

Il y a dans le baroque, à la fois le mouvement et l’artifice, la pose et le corps, c’est-à-dire que le baroque est pris entre deux regards, un tout voir, un ne pas voir et ce double regard, cette manière de montrer en cachant, en montrant des voiles, en recouvrant la toile de lumière, est une réinvention contemporaine du baroque.

Donc, il y a tout un itinéraire, je dirais qui va du baroque plutôt citationnel au baroque réinventé.

Le baroque invente la lumière, le clair-obscur, retrouve un clair-obscur qui avait été perdu pendant des siècles au profit d’une peinture beaucoup plus frontale. Et donc dans ses tableaux de lumière, ces lumières sont des lumières artificielles. On ne sait pas réellement si c’est une toile qui renvoie au monde ou qui capte le monde, disons dans un langage antérieur, figuratif, ou une toile abstraite. Et c’est cette ambiguïté que j’aime dans son travail.

(…)

L’éphémère, c’est la captation et la modulation de l’instant, ce n’est pas l’instant comme une coupure, c’est l’instant comme une vibration.

Ce que j’ai appelé le réel des flux. On est passé historiquement et très vite et très brutalement d’une culture des objets, qui est la culture moderniste, à la culture des flux qui est la culture d’aujourd’hui, et quelle qu’en soit la forme, il me semble que Hervé IC explore la forme des flux sur la lumière, sur les paysages, sur les fleurs, ou sur les visages.

(…)

Ce que je cherche en art, je dirais c’est l’exploration des entres-mondes. C’est un terme de Polke, c’est-à-dire d’un art qui se réclame du cosmos et de l’urbain, un art qui est au fond un art laïque, un art non chrétien, je le dis et un art qui nous situe dans l’immanence du monde et il me semble qu’en peinture, je dirais que je me réclame au fond d’une peinture paradoxalement post-Duchampienne et post-Wharolienne.